L’interprétation allégorique de la culture païenne [Jean Pépin]

Table of contents

Dati bibliografici

Autore: Jean Pépin

Tratto da: Dante et la tradition de l'allégorie

Editore: Vrin, Paris

Anno: 1970

Pagine: 101-118

1. La lecture allégorique des poètes latins

Une hypothèse séduisante donne à penser que c'est pendant un séjour d’études à Bologne, vers 1304-1306, que Dante prit le goût de lire les poètes anciens à la lumière de l’allégorie; car une telle lecture était enseignée à la faculté des arts de cette ville, et les oeuvres du programme s’appelaient Thébaïde, Énéide, Métamorphoses, Pharsale, c’est-àdire précisément les seuls titres pris en considération dans le Convivio.
Quoi qu’il en soit, il y a chez le poète florentin un vif penchant à discerner des intentions cachées dans les vers de ses prédécesseurs latins . Ainsi dans les Métamorphoses d'Ovide. Quand il y est question des pies parlantes (Métam., V, 294 sq.), ce qui donnerait à penser que le langage n’est pas le privilège de l’homme, Dante explique que tel n’est pas le propos de l’auteur, qui s’exprime en allégorie : dicimus quod hoc figurate dicit, aliud intelligens (De val eloqg, I, 2, 7) Autre exemple: dans la longue favola qui raconte comment Céphale d’Athènes vint demander secours contre la Crète au roi Éaque d'Égine (Métam., VII, 490-660), Ovide nous enseignerait en réalité que quatre vertus conviennent à la vieillesse, savoir la prudence, la justice, la largesse et l’affabilité (Conv., IV, 27, 17-20). On a vu enfin, et l’on y reviendra bientôt, que le Convivio, II, 1, 3, comme exemple de bella menzogna dissimulant une vérité, donne la lécende d’Orphée telle que la rapporte Ovide, Métam., XI, 1-2.
Plus encore qu'Ovide, c’est Virgile qui passe, aux yeux de Dante, pour avoir chargé ses poèmes d’un sens profond distinct de leur sens apparent . Cette façon de considérer Virgile, qui remonte à ses commentateurs latins, s’assortissait traditionnellement de quelques postulats, d’ailleurs repris des exégètes allégoristes d’Homère. L’un d’eux voulait que le poète ait eu en partage la science universelle: Vergilius nullius disciplinae expers; la formule est de Macrobe , mais l’idée est commune aux commentateurs des IVe et Ve siècles, tels Fulgence Planciade et auparavant Servius, d’où elle passera au XIIe siècle chez un Alain de Lille . Or quelques traces montrent en Dante l'héritier de ce principe; ainsi nomme-t-il Virgile quel savio gentil, che tutto seppe (Inf., VII 3), et, de façon plus imagée, mar di tutto ‘l senno (Inf., VIII, 7).
Dans l’histoire de l’exégèse allégorique de Virgile, sa christianisation par certains Pères de l’Église n’est pas l’aspect le moins étonnant; on sait qu’elle devait s’opérer surtout à partir de la célèbre IVe Églogue . Dante épouse volontiers cette tradition elle aussi, comme en témoigne le Purgatoire, XXII, 70-81, où lon voit Stace rapporter, non seulement son métier de poète, mais sa qualité de chrétien à l'influence de Virgile; car, dit-il, la parole de Virgile qu’il vient de rappeler s’accordait au credo répandu par les apôtres: e la parola tua sopra toccata | si consonava ai nuovi predicanti; or il se trouve que la parola sopra toccata n’est autre que les vers 5 à 7 de la IVe Églogue, traduits par Dante avec quelque liberté en Purg., XXII, 70-72 . Immédiatement avant ce passage du Purgatoire vient, déjà placée sur les lèvres de Stace, une comparaison justement célèbre, qui précise de quelle façon singulière Virgile fut un propagateur du christianisme: il le fut sans être chrétien lui-même, come quei che va di notte, | che porta il lume dietro e sé non giova, | ma dopo sé fa le persone dotte (Purg., XXII, 67-69) ; en d’autres termes, il prophétisait le Christ sans le savoir. Ici encore, Dante se fait l’écho d’une croyance plus ancienne; dès le VE siècle en effet, le commentateur Philargyrius estimait que, si l’auteur de l'Églogue avait en réalité, tout comme la Sibylle, prédit le Christ, il s’imaginait quant à lui annoncer Pempereur Auguste ; plus près de Dante, au XIIe siècle, Abélard exprimait avec plus de détails une conviction identique : bien qu’à n’en pas douter, l'Églogue contienne, formulée de façon typique, une prophétie de l’Incarnation, le poète pouvait bien ignorer ce que l'Esprit saint disait par sa bouche, tout comme il devait arriver à Caïphe, autre prophète véridique et inconscient .
Mais Dante ne borne pas à la IVe Bucolique sa lecture allégorique de Virgile. Il interprète semblablement (bien que de façon peut-être moins visible, du fait qu'il s’agit ici d’allégorie morale) divers passages de l’Énéide. C’est ce que l’on voit à la fin du livre IV du Convivio, dans la dissertation sur les âges successifs de l’homme: Dante admet que Virgile a traité la question au moyen de figures, puisqu'il renonce pour sa part à utiliser lo figurato che di questo diverso processo de l’etadi tiene Virgilio ne lo Eneida (Conv., IV, 24, 9). Mais cette résolution est de peu de durée puisque, comme on a vu les vers d’Ovide choisis pour illustrer les vertus de la vieillesse (et la Thébaïde de Stace pour celles de l’adolescence), les ornements de la jeunesse sont bientôt discernés ne la parte de lo Eneida ove questa etade si figura, c’est-à-dire dans les chants IV, V et VI; c’est ainsi que l’histoire d’Énée s’arrachant à Didon (Én., IV, 265 sq.), descendant avec la Sibylle chez les morts (VI, 261 sq.), confiant à Aceste les vieillards troyens (VI, 711 sq.) après avoir veillé à l'éducation sportive de son fils Ascagne (V, 545 sq.), coupant le bois du bûcher funèbre de Misène (VI, 162 sq.), enfin récompensant les vainqueurs des jeux selon qu’il l'avait promis (V, 303 sq.), — est interprétée comme la preuve qu’il convient à l’âge de jeunesse d’être tempérant, fort, aimant, courtois et loyal (Conv., IV, 26, 8-15).
Tout n'était pas inédit dans cette tendance exégétique qui pousse à voir dans l’oeuvre de Virgile une allégorie des divers âges de l’homme ou de l’humanité, et des vertus qui leur conviennent; D. Comparetti et plus récemment A. Pézard ont montré que, sur ce point, la voie avait été ouverte par Donat (IVe siècle) et Fulgence Planciade (Ve siècle); plus près de Dante, un Jean de Salisbury, au XIIe siècle, relaiera la tradition, et donnera de l’Énéide une interprétation figurée analogue à celle du Convivio ; et il faut en dire autant, au XII° siècle encore, de Bernard Silvestre . Il arrive aussi que, par l’exégèse allégorique, Dante tire certains passages de l’Énéide dans un sens chrétien; ainsi fait-il des célèbres vers Quid non mortalia pectora cogis, | auri sacra fames! (En., III, 56-57); par lesquels Virgile entend évidemment blâmer l’exécrable appétit des richesses; mais la baguette magique de l’allégorie permet à Dante d'en renverser très consciemment le sens originel, et de leur faire exprimer le regret que la faim sacrée de l’or (réel ou mystique) ne guide pas l'appétit des mortels: Perché non reggi tu, o sacra fame | de l’oro, l'appetito de’ mortali? (Purg., XXII, 40-41) .

2. L’exégèse allégorique des mythes et des personnages

De sa lecture ailégorique des poètes anciens, Dante tire principalement une interprétation de la mythologie. La tendance générale en est définie dans le Convivio, II 4, 1-7: les dieux et déesses du paganisme, tels Junon, Pallas, Vulcain, Cérès, sont, tout comme les anges chrétiens, des désignations populaires pour les intelligences qui meuvent les cieux ou encore pour les idées platoniciennes.
Depuis ses lointains inventeurs grecs, l’exégèse allégorique des dieux et des mythes était traditionnellement divisée en plusieurs variétés, non pas selon son objet, mais selon son résultat. Ces divers modes se retrouvent chez Dante. La Monarchie, II, 9, 8 offre un exemple d’allégorie métaphysique à partir d’une page des Annales d'Ennius citée par Cicéron, De off., I, 12, 38: quand le généreux Pyrrhus, mis en scène dans ces vers, nomme (ou semble nommer) Héra, il veut, selon Dante, signifier la Fortune, c’est-à-dire, pour les chrétiens, la Providence. Un exemple d’allégorie physique dans le goût stoïcien apparaît à propos des quatre chevaux du Soleil dont Dante trouvait mention dans les Métamorphoses d'Ovide, II, 153 sq.: selon le Convivio, IV, 23, 14, ils figurent les quatre saisons de l’année et les quatre heures du jour; il est à noter qu’une exégèse toute semblable (sauf pour le nom de chacun des chevaux) avait été déjà élaborée par Fulgence .
C’est une autre sorte d’allégorie encore, d’ordre historique, qui se fait jour par exemple dans l'Épître VII (à l'empereur Henri VII), 7, 24-28, quand Myrrha qui s’offrit par fraude à son père Cinyre (Ovide, Métam., X, 298-502; cf. Inf., XXX, 37-41), et Amata qui, pour marier sa fille à Turnus et non à Énée, alluma la guerre avant de se pendre (Virgile, Én., XII, 595-603; cf. Purg., XVII, 34- 39), sont interprétées par Dante comme des anticipations symboliques de Florence, qui cherche à séduire le pape, père des pères, et qui, nouant complot avec un roi étranger, se passe au cou un lacet peut-être fatal .
Plusieurs de ces différents types d’allégorie sont parfois appliqués par Dante à un même mythe. Soit l’histoire d’Orphée, que le Convivio, II, 1, 3, on l’a vu, donne comme exemple de fable pourvue d’un sens caché: Orphée apprivoisant les fauves et mettant en mouvement arbres et pierres, c’est le sage qui rend doux les coeurs cruels et gouverne ceux qui n’ont point part à la culture ni à la raison. IL s’agit là, située hors du temps, d’une allégorie morale sans grand relief qui voit en Orphée l’image du sage en général, elle n’était nullement nouvelle à l’époque de Dante; car on la rencontre par exemple au XIIe siècle chez Bernard Silvestre, qui choisit la fable d’Orphée pour illustrer sa définition de l’integumentum, c’est-à-dire du procédé qui dissimule une vérité doctrinale dans un récit fictif .
Mais on peut entendre un peu différemment le savio uomo du Convivio, et supposer que Dante laurait tiré de Cicéron, De inuent., I, 2, 2 par l’intermédiaire de Brunetto Latini (lequel parle d’ailleurs d’Amphion, et non d’Orphée); l’on aurait alors affaire à une allégorie proprement historique, selon laquelle s Orphée renverrait, non pas à n'importe quel sage d'époque indifférente, mais précisément au premier homme qui sut parler avec art et raison, et convaincre ainsi ses semblables de vivre en société; cette conjecture est d’autant plus vraisemblable que déjà saint Thomas, commentant une référence d’Aristote aux pseudo-poèmes orphiques, voyait en Orphée l’orateur prestigieux qui, le premier, sut toucher les hommes durs comme la pierre et les conduisit de la férocité solitaire à la vie sociale .
Un autre témoignage de ce pluralisme de l’allégorie est relatif au mythe de Phaéthon, longuement raconté dans les Métamorphoses d'Ovide, I, 747-II, 400. Il existait de l’équipée de Phaéthon une exégèse physique d’origine stoïcienne, qui y voyait la transcription poétique du cours annuel du soleil, tantôt favorisant la végétation, tantôt embrasant la terre, puis finissant par se calmer par ordre de la nature . Un certain nombre de métaphores montrent que Dante tenait pour acquise cette allégorie physique; c’est ainsi qu'il appelle le soleil que’ che vide nel fiume lombardo | cader suo figlio (Rime, XCV, 3-4), et son cours la strada | che mal non seppe carreggiar Feton (Purg., IV, 71-72), ou encore qu’il fait état de la splendeur du char de Phaéthon (Purg., XXIX, 118-120) et de l’air qui s’enflamme à son approche (Par., XXXI, 124-126). À cette exégèse assez banale, le Convivio, II, 14, 5 ajoute un détail qui a son prix : c’est la fable de Phaéthon qui incita les philosophes pythagoriciens à regarder la Voie lactée comme la trace d’une brûlure produite jadis dans le ciel par le soleil dérouté; deux vers de l'Enfer (XVII, 107-108) montrent que Dante prend à son compte cette explication mythique de l’origine de la Galaxie: pour décrire sa frayeur quand il est juché sur le dos de Géryon, il évoque celle qui dut se répandre quand Phaéthon lâcha les rênes et que les cieux brülèrent, come pare ancor. La doctrine rapportée dans le Convivio, sa relation avec Phaéthon et son attribution aux pythagoriciens proviennent en définitive, on le sait, des Météorologiques d’Aristote (I, 8, 345a 13 sq.), à ceci près que le philosophe ne parle pas de la divagation du soleil, mais de la chute d’une étoile (il est vrai qu'il fait ensuite état d’une brûlure provoquée par la translation du soleil, mais il s’agit de sa translation normale, sans référence au mythe de Phaéthon); on sait aussi que saint Thomas est l'intermédiaire qui rendit accessible à Dante ce témoignage d’Aristote, fidèlement transcrit par lui en même temps qu’un peu délayé .
Mais on rencontre chez Dante une autre utilisation allégorique de la mésaventure de Phaéthon. Dans la lettre véhémente où il adjure les cardinaux italiens de ramener la papauté d'Avignon à Rome, il assimile au falsus auriga Pheton les mauvais prélats qui, au lieu de guider le char de l’Église sur son orbite lumineuse, l’ont dévoyé et entraîné dans le précipice: qu'ils craignent, comme Phaéthon, le feu céleste! (Epist. XI, 4, 5-8). Une telle exégèse est très loin de la précédente, et s’apparente à la typologie historique. Il en va de même quand, dans le Paradis, XVII, 1-6, Dante voit dans le mythe de Phaéthon l’image de sa propre situation: de même que Phaéthon vint à sa mère Clymène pour s'assurer qu’il était bien le fils d’Apollon, de même Dante attend de son trisaïeul Cacciaguida la révélation des dangers qui le menacent. On pourrait aussi, avec A. Pézard , soumettre les mêmes vers du Paradis et ceux qui les suivent à une analyse plus fine: sentant que le temps presse (Par., XVII, 106-108), Dante se flatte de mener heureusement au terme de son parcours le char de la Comédie, à la différence de Phaéthon, à qui ressemblent ceux qui, n’entendant pas l’art, prétendraient imiter facilement le poète, ou même le comprendre en tout.
Diverses questions classiques se posent dans toute entreprise d’exégèse allégorique, et donc dans celle de Dante. En voici une: le poète croit-il à la réalité historique passée des mythes dont il propose une interprétation figurée ? On manque d'éléments pour se prononcer dans chaque cas; mais certains indices orientent vers une réponse positive. Ainsi le fait que Dante place Orphée dans les limbes, au milieu des philosophes et savants de l'Antiquité (Inf., IV, 140), montre qu’il le tient pour un personnage historique. Autre donnée concourante: après avoir dit la tactique d’Antée dans son combat contre Hercule (pour illustrer la théorie selon laquelle tout corps vivant a plus de force dans le lieu où il fut engendré), Dante ajoute que cette bataille eut pour théâtre l'Afrique, selon les témoignages des écritures (Conv., III, 3, 6-8) ; pareille précision géographique indique sans doute qu’il croyait l’épisode historiquement vrai; aussi bien localise-t-il Antée dans l’un des derniers cercles de l'enfer (nf, XXXI, 100-145).

On voit que, pour Dante comme pour la plupart de ses devanciers dans l’exégèse figurée, la réalité historique supposée d’un personnage ou d’un événement n’en empêche pas l’utilisation allégorique, mais la favoriserait plutôt. On comprend alors qu’il ne se fasse pas faute de traiter par l’allégorie, non plus des figures mythiques, mais des êtres qui, pour lui comme pour nous, appartiennent incontestablement à l’histoire. Il est bien connu que, dans la Comédie, sainte Lucie est ainsi le symbole de la lumière de la grâce divine (Pure., IX, 52-63); saint Bernard, celui de la contemplation (Par., XXXI, 139-142), Béatrice, celui de l’embrasement de l’amour divin (Inf., I, 52-114), etc. . À s’en tenir pour l'instant aux personnages de l’Antiquité païenne, on rencontre évidemment Virgile, dont on a vu plus haut qu’il symbolise pour Dante la plénitude de la science humaine.
Mais, dans cette galerie, la figure qui donne lieu à la plus intéressante exégèse allégorique est celle de Marcia, femme de Caton d’Utique, longuement évoquée dans le Convivio, IV, 28. Commentant les vers 136-139 de la chanson Le dolci rime d’amor, Dante explique que, dans le dernier Âge de la vie ou caducité, la noble âme retourne à Dieu et bénit le chemin parcouru en cette vie (IV, 28, 1-2). C’est ce que Lucain, d’après lui, nous dit en figure (ne figura) quand il relate le retour de Marcia auprès de Caton (Phars., II, 326 sq.); interprétation de cette figure : Marcia, c’est la noble âme; Marcia vierge signifie l’adolescence; son mariage avec Caton et les enfants qu’elle lui donna indiquent la jeunesse et ses vertus; même rapport de sens entre son mariage avec Hortensius et la vieillesse; son veuvage par la mort d’Hortensius marque l’âge caduc, pendant lequel la noble âme revient à Dieu, de même que Marcia revint à Caton (IV, 28, 13-15). Après quoi Dante, à la lumière de cette allégorie générale, soumet à une exégèse détaillée le discours que Marcia tient alors à Caton dans la Pharsale, II, 339-344; il découvre naturellement sous ce déguisement le discours que la noble âme adresse à Dieu quand, recrue de lassitude, elle retourne à lui avec l’espoir de se reposer dans sa présence, de mourir épouse de Dieu et gracieuse à ses yeux (IV, 28, 16-19). On ne saurait souhaiter meilleur exemple d'interprétation allégorique, sans que celle-ci soit gênée en rien par le fait qu’elle prend pour objet des personnages réels et les paroles qu'ils sont censés avoir prononcées; sans doute la démarche de l’exégète est-elle facilitée par les dimensions exceptionnelles de la personnalité de Caton, modèle de noblesse et de liberté morale «digne de signifier Dieu» (Conv., IV, 28, 15), et seul païen promis par Dante au salut .
Le personnage de Caton se retrouve, on le sait, dans les deux premiers chants du Purgatoire, et c'est là qu’il prend toute sa dimension allégorique. On a vu plus haut que son cas constitue l’un des meilleurs arguments en faveur de l'interprétation typologique de la Comédie. Or, les analyses de R. Hollander ont récemment montré que la fonction typologique de Caton est encore plus considérable que ne le soupçonnait Auerbach. Hollander a dégagé en effet une série d’analogies subtiles, mais réelles, entre le personnage de Caton et celui de Moïse ; il en résulte que Caton, figure du Christ, a lui-méme pour figure Moise; Moîse et Caton assument conjointement la fonction de figurer le Christ: Moise le fait déjà dans I’Écriture, par exemple dans l’épisode de la Transfiguration (Matth., XVII, 3); quant à Caton, «digne de signifier Dieu», le sacrifice de sa vie pour la liberté (Purg., I, 71-72) annonce le sacrifice du Christ .

Date: 2022-10-17